Après tout, si Israël devait, sans trop de dommage, être contraint par les événements a se montrer un peu moins intransigeant, Nixon n'en serait pas fâché, lui qui estime qu'un « projet de règlement cohérent » au Moyen-Orient passe par le rétablissement de l'« équilibre des forces sur le champ de bataille » [4]. Lorsque les premières unités de chars M 48 et M 60 disséminées le long de la ligne Bar Lev, dont elles assurent la couverture en profondeur, entrent en contact avec l'infanterie adverse, elles n'ont guère le temps de constater les progrès tactiques accomplis depuis la guerre des Six Jours par l'armée égyptienne. - ne signifie pas grand-chose face à un adversaire qui, malgré les progrès accomplis en six ans par sa propre armée et par celle de la Syrie, conserve une formidable avance qualitative. Ce que le chef de la diplomatie américaine fait aussitôt, en se portant garant des intentions de Tel-Aviv. Après un voyage-éclair de Kissinger à Moscou, où l'on n'a plus les mêmes raisons de temporiser mais où les discussions ont été vives, on arrive assez vite à un accord de principe. Dans son empressement a reconquérir une partie du Sinaï, Chazli a commis une erreur que l'état-major israélien a tôt fait d'exploiter. Finalement, après avoir fait le tour des capitales arabes dans la première quinzaine de novembre, reçu Golda Meir à Washington, envoyé Joseph Sisco à Jérusalem et renoué avec l'Égypte des relations diplomatiques interrompues depuis plusieurs années, il va imposer aux belligérants l'accord dit du « kilomètre 101 » (sur la route Suez/Le Caire), signé le 11 novembre et dont les dispositions essentielles portent sur l'échange des prisonniers de guerre (8 000 Égyptiens contre seulement 230 Israéliens), le ravitaillement de la ville de Suez et de la 3e armée, et l'ouverture de discussions en vue du retour des forces sur les lignes du 22 octobre. Au grand dam des Palestiniens, Sadate reçoit au Caire le Syrien Assad, à qui il a fini par faire accepter son objectif de guerre limitée, et Hussein de Jordanie. Par la suite, on le sait, elle aura même tendance à renforcer les positions américaines en valorisant les ressources nationales et en faisant mesurer aux alliés - Européens de l'Ouest et Japonais - l'étroitesse de leur marge de manœuvre. L'armée israélienne a atteint Ismaïlia et se trouve à 70 kilomètres du Caire. française. Pourtant, il n'était pas besoin d'être grand clerc pour prévoir que les vaincus de 1967 ne garderaient pas indéfiniment dans leur main une carte qui pouvait leur permettre, sinon de remporter définitivement la partie, du moins de rétablir l'équilibre rompu par la guerre des Six Jours. jeûne de Yom Kippour("Grand Pardon" pour les juifs), les troupes égyptiennes et syriennes attaquent par surprise Tandis que Sharon piaffe d'impatience et réclame l'application immédiate de son plan, Moshe Dayan, Elazar et Bar Lev, les têtes pensantes de Tsahal, prennent leur temps avant de donner le feu vert au bouillant chef de la division 101. La guerre du Kippour a aussi démontré la dépendance d'Israël des Américains. Une fois dissipé l'étonnement des premières heures, c'est la prudence qui l'emporte à la Maison Blanche où l'on estime que les Israéliens devraient l'emporter sans trop de difficulté sur les forces conjuguées de la Syrie et de l'Egypte. Cette zone réputée à peu près impraticable, placée à la charnière de la 2e et de la 3e armée égyptienne, qui occupent respectivement la partie nord et la partie sud de l'isthme, constitue, au lendemain de l'offensive du 6 octobre, le point faible du front ennemi. Quant au gouvernement égyptien, qui en a aussi connaissance par le truchement de l'ambassadeur Zayyat, il fait répondre que ses armées ne font que répondre à une « provocation » israélienne dans le golfe de Suez. Or la « survie » d'Israël était dans ce secteur d'autant moins menacée que Sadate n'avait d'autre intention que de reconquérir une étroite bande de terrain sur la rive orientale du canal et de s'y maintenir, après avoir démontré à Israël que son armée était devenue opérationnelle et qu'il y avait désormais un intérêt réel à négocier avec l'Égypte. Dans sa réponse à Nixon, Brejnev se contentait d'annoncer qu'il envoyait quelques dizaines d'« observateurs » - apparemment des civils - pour contrôler que le cessez-le-feu était bien respecté. Le 17 octobre à Koweït, les Etats arabes producteurs de pétrole décident de réduire de 5% leur production pétrolière jusqu’à ce qu’Israël rendent les territoires pris en 1967. The Yom Kippur War, San Rafaël (California), Londres, 1978. Cela pour des raisons tactiques évidentes (l'armée israélienne se renforce de jour en jour avec l'arrivée d'unités prélevées sur le front du Nord, alors qu'il y a de moins en moins de chars égyptiens à l'ouest du canal), mais aussi pour des motifs politiques. A l'heure où les blindés de Tsahal coupent la route du Caire et atteignent le golfe de Suez, la crise a déjà pris une tout autre dimension. Toutefois, jusqu'au 5, on demeure serein à Washington comme à Tel-Aviv, bien que l'on sache depuis la veille que des avions soviétiques ont commencé à rapatrier vers l'URSS les conseillers et leurs familles. Peut-être, après tout, l'ultimatum soviétique ne constituait-il lui aussi qu'un signal destiné à faire comprendre aux décideurs du camp adverse quelles étaient les limites à ne pas dépasser. Depuis septembre 1970, en Égypte, Anouar al Sadate a succédé au leader historique Gamal Nasser. Pour mener l'entreprise à son terme, il fallut que le secrétaire d'État américain usât de toutes les ressources de son immense talent diplomatique, accaparant les premiers rôles et occupant tous les espaces de pouvoir laissés vacants par un Nixon confronté à d'autres soucis. Dans la nuit du 15 au 16, la brigade qu'il commande personnellement surgit sur les arrières de l'ennemi, là où personne ne l'attend, après avoir franchi le grand lac Amer sur des radeaux. Ils semblent se désintéresser des conflits plus conventionnels aux effets plus limités sur la paix mondiale. Il s’agit de la guerre du Kippour, également célèbre sous d’autres appellations, dont la Guerre du Ramadan ou encore la Guerre d’Octobre. Pour que les choses soient claires, Brejnev fait dire à Nixon par le truchement de l'ambassadeur Dobrynine qu'un terme devait être mis au plus vite au « défi insolent » d'Israël. L'ambassadeur Dobrynine prend tout son temps pour se mettre en communication avec Moscou, auquel est pourtant transmis - via le standard de la Maison Blanche - le message de Golda Meir. Ont-elles en quoi que ce soit modifié le cours de la crise elle-même ? La connexion se trouve rétablie entre les systèmes centraux et la poudrière du Moyen-Orient, avec tout ce que cela comporte de risque à un moment où, plus que jamais, s'affirme - avec l'embargo pétrolier - l'importance économique et stratégique de la région. H. Kissinger, Les années orageuses, Paris, Fayard, 1982, t. I, trad. Il fallut un peu moins de 24 heures à Kissinger pour atteindre ce triple objectif et désamorcer la crise internationale. Du côté américain, la première réaction a été celle de la surprise. Henry Kissinger, Les années orageuses, t. I, Paris, Fayard, 1982, p. 550. U) 1980. Ancien ministre des Affaires étrangères, leader du parti travailliste et chef du gouvernement depuis février 1969 - âgée (elle est née en 1898) et malade, elle a dû accepter cette charge à la mort de Lévi Eshkol pour éviter que le parti ne se divise entre les amis de Dayan et ceux de son rival Ygal Allon -, Golda Meir n'est pas à proprement parler une « colombe ». En moins de trois semaines de combats, le rapport de force a basculé d’un camp à l’autre : offensives arabes, contre-offensive israélienne. Pourtant, les événements d'octobre 1973 ont en même temps montré que les superpuissances avaient de plus en plus de mal à contrôler, à l'épicentre du séisme, le jeu des acteurs secondaires et qu'il ne pouvait y avoir de solution à la crise que si les intéressés étaient prêts à l'accepter. Pour la majorité d'entre eux - plus tard regroupés dans le « front du refus » -, comme pour les Palestiniens, la preuve a été faite qu'Israël pouvait être vaincu par une action conjuguée - économique et militaire - des pays-frères. N'a-t-on pas assez reproché à son pays, après la guerre des Six Jours, d'avoir déclenché une guerre préventive et anéanti sans sommation l'aviation adverse alors que, de l'avis même de certains dirigeants et chefs militaires israéliens (Ezer Weiz-mann, le général Bar Lev), le risque de génocide était inexistant ? Lorsqu il commandait en chef sur le frond sud, quelques années plus tôt, Anel Sharon avait conçu un plan de contre-offensive, dans le cas précis où les Égyptiens tenteraient de reprendre pied dans le Sinaï. Rencontre historique que celle du kilomètre 101. Avec Galili et Dayan, elle forme, au sein du cabinet israélien, le « trio des durs » et, en février 1971, elle a été la première à rejeter la proposition de Sadate de faire la paix avec Israël en échange de la restitution des territoires occupés. On était d'autant plus loin de croire à une attaque-surprise que les Israéliens, surestimant l'efficacité de leurs nouvelles « frontières » et en quelque sorte prisonniers du mythe de leur propre invincibilité, n'avaient cessé depuis la guerre des Six Jours de broder sur le thème de l'incapacité des armées arabes à mener à bien une opération de ce genre. R. Nixon, Mémoires, Paris, Stanké, p. 672. La décision de Golda Meir et de Dayan de laisser à l'adversaire la responsabilité de l'agression devait, par la suite, être sévèrement reprochée au « numéro un » israélien et à son ministre de la Défense. Elle a, en premier lieu, rendu globalement confiance aux Arabes et restauré leur image auprès d'une opinion internationale stupéfaite, lors des premiers engagements, de voir que les mêmes soldats qui avaient en 1967 abandonné leurs souliers dans le désert étaient devenus capables de livrer bataille en rase campagne et de faire reculer l'une des meilleures armées du monde. Mais non moins sûrement attaque-surprise acceptée à l'avance par l'État juif, désormais pourvu de « frontières sûres » et d'une profondeur stratégique qui lui avaient manqué jusqu'en 1967. con. Pourtant nettement inférieurs, ceux-ci parviennent à contre-attaquer et poursuivent leur progression malgré le cessez-le-feu de l’ONU. Puis un embargo est décidé contre les Etats-Unis le 20 octobre à la suite de l’aide militaire apportée à Israël dès le 14 octobre. La conséquence la plus spectaculaire de la crise, la plus immédiatement tangible, celle qui - à l'exception des acteurs régionaux - a laissé sans doute le plus de traces dans les mémoires, est liée à l'utilisation par les Arabes de l'arme pétrolière. Dès le 12 octobre, les Israéliens ont connaissance de cette faille dans le dispositif adverse grâce aux renseignements fournis par les avions de reconnaissance et par les satellites américains. Pour cela, il préconise la mise sur pied immédiate d'un corps expéditionnaire soviéto-américain et ajoute qu'en cas de refus des États-Unis l'URSS est prête à agir seule. Enfin, sauf risque de dérapage grave, la situation intérieure ne se prête guère à adopter dans l'affaire autre chose qu'un « profil bas ». A-t-il perdu son sang-froid devant la menace d'élimination de la 3e armée égyptienne ? Enfin - et ce point est capital - l'évolution des relations entre les deux superpuissances offre, en ce moment d'apogée de la Détente, aux Égyptiens et à leurs alliés, une liberté de mouvement dont ils n'avaient pas disposé jusqu'alors. Attaque-surprise ? Certes, à partir du 1er octobre, les satellites américains et les puissants moyens de détection installés sur le mont Hermon par les Israéliens signalent chez l'adversaire des mouvements inhabituels, tant dans le Golan où les forces syriennes se placent peu à peu en position offensive que dans la zone du canal. Le premier songe très classiquement et sans beaucoup de réalisme à reconquérir par les armes le morceau de Golan occupé par les Israéliens en 1967. « Toute analyse israélienne (ou américaine) avant octobre 1973 - écrit Kissinger - corroborait l'idée que l'Égypte et la Syrie ne possédaient pas les capacités militaires nécessaires pour reconquérir leurs territoires par la force des armes ; donc, il n'y aurait pas de guerre [2]. Il sait que l'avantage quantitatif dont disposent les États arabes frontaliers d'Israël - 12 contre 1 pour la population, 2 contre 1 pour les éléments immédiatement mobilisables, deux fois plus de chars, trois fois plus d'avions, etc. Pris en tenaille entre deux adversaires, Tsahal doit parer au plus pressé, c'est-à-dire bloquer l'offensive syrienne au nord, là où le glacis établi en 1967 est le plus étroit. C'était, écrit Kissinger, « l'un des défis les plus sérieux lancés à un président américain par un dirigeant soviétique » [6]. Dès le 14 octobre les États-Unis établissent un pont aérien pour ravitailler Israël en armes. J.-P. Dernennic, Le Moyen-Orient au XXe siècle, Paris, A. Colin. La guerre cesse à la suite d'un cessez-le-feu imposé par le Conseil de Sécurité de l'ONU sur les pressions des États-Unis et de l'Union soviétique. Si le « chantage » pétrolier a eu quelque incidence sur le comportement des États-Unis, c'est de façon indirecte et dans une perspective à plus long terme. En Afrique, nombre d'États qui entretenaient jusqu'alors des relations plutôt cordiales avec Jérusalem ont rompu leurs liens diplomatiques avec elle dans le courant des années 1972 et 1973 et, lorsqu'en février 1973 les Israéliens ont abattu un Boeing civil libyen égaré au-dessus du Sinaï, faisant une centaine de victimes, il n'y a eu qu'une seule voix à l'ONU (celle d'Israël), et 2 abstentions contre 101 votes négatifs, pour absoudre le gouvernement de Golda Meir.
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